Amandine ou Les deux jardins, de Michel Tournier

Totalement immergée depuis le début du mois de septembre dans des livres passionnants, mais ô combien sombres – je parle de L’affaire du Dahlia noir, de Steve Hodel (le récit de sa propre contre-enquête sur l’affaire en question), et d’Homo disparitus, un essai d’Alan Weisman –, que j’éprouve la nécessité d’une pause au cours de laquelle la fraîcheur et l’innocence magnifiées vont contrebalancer la noirceur du monde.

Amandine ou Les deux jardins, de Michel Tournier, m’apparaît parfait pour la circonstance.

L’histoire est construite à la manière d’un journal intime. Un journal dans lequel Amandine  n’écrit que le mercredi et le dimanche. Elle a dix ans. Elle est à cet âge charnière où les petites filles se préparent, dans le secret de leur corps et de leur esprit, à quitter définitivement l’enfance ; ce monde rassurant, dans lequel tout est bien rangé et sans surprise, comme la maison de Maman ou le jardin de Papa.

amandine ou les deux jardinsUne métamorphose qui s’opère le temps d’une saison, rythmée par la naissance d’une portée de quatre chatons. Trois vont être adoptés, et le quatrième gardé au foyer. Kamicha. Mais il s’en va, lui aussi. Parce qu’ainsi va la vie, mystérieuse, et qui génère tant de questionnements quand on est enfant ; est-elle comme ce jardin, qui ne comporte aucune entrée véritable, mais qu’il suffit d’avoir envie d’explorer pour en trouver une ?

C’est au cours de cette saison qu’Amandine va découvrir une petite part d’elle-même.

« Je monte dans ma petite chambre. Je pleure longtemps, très fort, pour rien, comme ça. Et ensuite, je dors un peu. Quand je me réveille, je me regarde dans la glace. Mes vêtements ne sont pas salis. Je n’ai rien. Tiens, si, un peu de sang sur ma jambe. C’est curieux, je n’ai d’écorchure nulle part. Alors pourquoi ? Tant pis. Je m’approche du miroir et je regarde ma figure de tout près. J’ai des yeux bleus, des lèvres vermeilles, des grosses joues roses, des cheveux blonds ondulés. Pourtant, je n’ai plus l’air d’une petite fille de dix ans. »

Amandine ou Les deux jardins

Qui ne se souvient pas de ces moments, entre joie et mélancolie, qui s’emparaient parfois de notre intériorité lorsque nous traversions cette phase temporelle mystérieuse que nos parents appelaient « adolescence  » ? Dans Amandine ou Les deux jardins, Michel Tournier la décrit et l’écrit admirablement bien.

« Kamicha est assis sous le dôme. Il lève la tête vers moi. Il est aussi silencieux que le garçon de pierre. Il a comme lui un sourire mystérieux. On dirait qu’ils partagent le même secret, un secret un peu triste et très doux, et qu’ils voudraient me l’apprendre. C’est drôle. Tout est mélancolique ici, ce pavillon en ruines, ces bancs cassés, ce gazon fou, plein de fleurs sauvages, et pourtant je sens une grande joie. J’ai envie de pleurer et je suis heureuse. »

Amandine ou Les deux jardins


sept contes

Un conte initiatique merveilleusement écrit, et joliment illustré par Joëlle Boucher. L’album est épuisé, mais il se trouve encore sur les sites de vente d’occasions ; sinon, on peut  retrouver l’histoire d’Amandine ou Les deux jardins de Michel Tournier dans la compilation : Sept contes, en folio Junior.

Conseillé par l’éditeur dès 9 ans.

 

 

2 réflexions au sujet de « Amandine ou Les deux jardins, de Michel Tournier »

  1. Bonjour à vous,
    Je suis tombée par hasard sur votre article « d’Amandine. » Mon institutrice nous l’avait lu il y a quelques années et cela m’a laissée une empreinte indélébile. Empreinte aussi quand j’ai lu « l’affaire du Dahlia noir » à la même période que vous l’année dernière. J’avais envie de faire connaître ce livre à tous!! C’est fou le contraste qu’il y a entre l’innocence, l’émerveillement de l’enfance et la perversion du tueur du Dalhia, celui qui fait le mal à la vue de tous (réminiscence de Gilles de Rais?) Merci beaucoup pour votre article.

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